I. Premières recherches sur le fermoir

A la demande de Philippe Raux, membre de l’association Francorum 440-580, j’ai entrepris de réaliser une réplique fidèle du fermoir d’aumônière d’Envermeu. Ce fermoir orné de grenats cloisonnés est daté de la première moitié du 6e siècle, et fait partie d’une série de fermoirs de même type, probablement fabriqués par le même atelier d’orfèvres.

L’abbé Cochet, précurseur en matière de fouilles archéologiques – pour son époque – décrit l’objet en ces termes: « … Enfin, et toujours à la ceinture, un ornement composé de verroteries rouges, rendues brillantes au moyen d’une feuille métallique nommée paillon, puis fixées à l’aide d’une pâte ou mastic et appliquées sur une planchette de bois. Toutes ces verroteries étaient serties avec de l’or, et l’ensemble de la composition reproduit les deux têtes d’un oiseau, comme on peut le voir par le dessin ci-joint. Au milieu inférieur de cet objet, que je crois un fermoir de bourse, se trouvait attachée une petite boucle de bronze que je suppose avoir été destinée à fermer l’aumônière qui devait être en cuir…  »

Il en fait un croquis sommaire, et finalement peu ressemblant:


Source: Sépultures gauloises, romaines, franques et normandes, faisant suite à la Normandie souterraine. Abbé Cochet année 1857. page 185

Son contemporain Charles de Linas en fait un dessin bien plus détaillé, bien que comportant encore quelques inexactitudes:


Source: Orfèvrerie mérovingienne, les oeuvres de saint Eloi et l’orfèvrerie cloisonnée, Paris, 1864. Planche 8

Et voici l’objet photographié, en cours de restauration:


© Musée départemental des antiquités de Rouen. Inventaire 2010.0.1

Pour obtenir des détails techniques sur cet ouvrage, j’ai effectué 4 visites:

1) Musée d’Archéologie Nationale, Saint-Germain-en-Laye.
Cette visite permise par Daniel Perrier, concernait la partie mérovingienne des réserves, et essentiellement les ouvrages en cloisonné non restaurés, ou cassés.

2) Musée Départemental des Antiquités, Rouen.
Visite commune avec Steeve Mauclert, orfèvre, pour observer le fermoir d’Envermeu. Cette visite a été préparée par Laurence Lyncée.

3) Musée des Beaux-Arts, Valenciennes.
Contact avec Marc Goutierre pour venir étudier le fermoir de Famars, qui est d’une facture très proche.

4) Musée d’Archéologie Nationale, Saint-Germain-en-Laye.
Seconde visite pour observer le fermoir de Lavoye, revenu d’une exposition à l’extérieur.

 

Voici les quatre fermoirs de facture semblable que j’ai utilisé pour cette comparaison et cette étude technique.

Fermoir de Famars


© RMN Grand-Palais / René-Gabriel Ojéda

Fermoir de Lavoye


© MAN Saint-Germain-en-Laye / L. Tondeux

Fermoir de Saint-Dizier


© Musée de Saint-Dizier / G. Garitan

Fermoir d’Arlon


© Musée Archéologique d’Arlon / IRPA

Envermeu Famars Lavoye Saint-Dizier Arlon
Conservat. Musée Départemental des Antiquités, Rouen. 2001.0.88 Musée des
Beaux-Arts,
Valenciennes.
79.153.A
Musée d’Archéologie Nationale, Saint-Germain-en-Laye. Musée municipal de Saint-Dizier Musée Archéologique, Arlon.
Restaurat. – le boîtier n’est pas d’origine, probablement rajouté début XXe – restauration récente, tous les éléments sont d’origine – restauration récente, équivalente à celle de Valenciennes – restauration récente, effectuée par Bruno Bell ???
Boîtier – boîtier d’origine manquant – boîtier en fer, pourtour soudé sur la plaque du fond – boitier en fer, pourtour soudé sur la plaque du fond – boitier en fer très détérioré – boitier manquant
Grenats – grenats almandins, épaisseur 5/10e à 10/10e – grenats almandins, épaisseur 5/10e à 10/10e -grenats almandins, épaisseur 5/10e à 10/10e ??? ???
Cloisons / paillons – gaufrage orthogonal régulier à 5/10e
-cloisonné suspendu avec bord extérieur rabattu sur le boitier en fer
– sertissage en mauvais état– cloisons épaisseur 2/10e
– gaufrage orthogonal régulier à 5/10e
-cloisonné suspendu avec bord extérieur rabattu sur le boitier en fer
– sertissage en mauvais état– cloisons épaisseur 2/10e
– gaufrage orthogonal régulier à 5/10e
– cloisonné suspendu avec bord extérieur rabattu sur le boitier en fer
– sertissage en bon état
– gaufrage orthogonal régulier à 5/10e
– cloisonné suspendu avec bord extérieur rabattu sur le boitier en fer
– sertissage en bon état
-???– cloisonné suspendu avec bord extérieur rabattu sur le boitier-sertissage en mauvais état
Yeux -verre bleu cabochon très dépoli – verre bleu cabochon très dépoli – verre bleu cabochon bon état – verre bleu cabochon bon état – verre bleu
Naseaux – verre vert 10/10e – verre vert 10/10e – verre vert 10/10e – verre vert 10/10e – verre vert
Rivets / trous – 4 trous, emplacements pour des rivets aux coins du rectangle central
– 2 trous aux extrémités des museaux
– 2 rivets en argent + 2 trous aux coins du rectangle central
– 2 trous aux extrémités des museaux
– 4 rivets en argent oxydé noir aux coins du rectangle central
– 2 trous aux extrémités des museaux
– 3 rivets restants + 1 trou aux coins du rectangle central
– 1 rivet restant + 1 trou aux extrémités des museaux
-1 seul rivet restant + 3 trous aux coins du rectangle central
– 2 trous aux extrémités des museaux
Boucle – plaque d’accrochage ajoutée début XXe
– boucle et ardillon en bronze
– plaque d’accrochage en fer, épaisseur 5/10e
– boucle et ardillon en argent, traces de dorure
– plaque d’accrochage en fer, épaisseur 5/10e
– boucle et ardillon en bronze doré
– plaque d’accrochage en fer
– boucle en bronze
– boucle manquante

Conclusion de l’étude:

L’hypothèse déjà formulée que ces cinq fermoirs proviennent tous d’un même atelier d’orfèvres est tout à fait valable. Ils sont identiques à plusieurs niveaux: forme, techniques employées, couleur des verroteries.
Le fermoir d’Envermeu a été restauré de façon invasive au siècle dernier. Le boîtier n’est pas d’origine et a été ajouté autour de l’artefact pour éviter qu’il ne se désagrège. Mais il est gênant pour l’observation technique. D’autres modèles, comme celui de Saint-Dizier ou celui d’Arlon, sont beaucoup plus abîmés, et ont été restaurés récemment. Ils donnent beaucoup plus d’informations sur la facture de l’objet.