VI. Les paillons

La réalisation des paillons posait un problème technique auquel nous avons réfléchi longtemps avec mon collègue orfèvre, Steeve Mauclert.


© INRAP / Denis Gliksman

Sur ce gros-plan d’un des deux fermoirs de Saint-Dizier, on peut apercevoir les paillons d’or gaufrés. Ceux ci sont en quadrillage orthogonal à 5/10e de millimètre. Certainement le plus facile à obtenir, car il existe aussi des quadrillages doubles, et des quadrillages à ocelles.
Nous disposons d’une source archéologique découverte à Wijnaldum et datée du VIIe siècle:

Agrandissement des carreaux:

 

Source: http://www.lcm.rug.nl/lcm/teksten/teksten_uk/gold_disc_on_bow_brooch_uk.htm

L’hypothèse la plus probable est que pour obtenir un quadrillage aussi petit, il faut tracer des lignes à la règle dans une plaque de métal avec une pointe dure qui retirera un peu de matière. Pour obtenir des traits plus profonds, il est possible que ces traits aient été tracés avec une lame au fil très fin. Et on observe sur l’original que les traits sont d’un parallélisme remarquable (pour un maillage aussi serré).

Mon coup de main n’étant pas assez précis, j’ai décidé de me servir d’un compas sur une plaque de laiton épaisse:

Pour réaliser les paillons, j’ai utilisé de la feuille de laiton à 1/10e d’épaisseur. En frappant la matrice quadrillée dessus, on obtient le motif gaufré en négatif. Cependant, la feuille de laiton est un peu raide. L’opération fonctionne certainement mieux avec de l’or.

S’est ensuite posée la question de la disposition des paillons dans le cloisonné.
Dans un bijou en cloisonné standard, le paillon est mobile, et il est simplement posé sur le ciment. Cependant, le cloisonné suspendu a des cloisons mobiles, elles aussi posées sur le ciment. L’opération de sertissage qui suivra ne peut être réalisée sur ce ciment cassant sous peine de l’effriter, en y enfonçant au passage la résille de cloisons.
La seule solution que j’ai trouvée pour résoudre ce casse-tête est celle-ci;

  • travailler hors du boîtier, sur une surface plane et dure
  • retailler les bords des grenats en biseau pour pouvoir rabattre le paillon autour
  • insérer en force le grenat et son paillon dans le cloisonné.

J’ai obtenu de cette façon un montage solide, que je peux soulever sans semer des pierres et des paillons à chaque déplacement.

A ce stade de la réalisation, je m’aperçois de trois erreurs de parcours:

  • J’aurais pu gagner du temps en préparant d’abord la résille de cloisons, et en taillant les grenats ensuite. Ce qui m’aurait évité d’avoir à réajuster chaque pierre dans son emplacement.
  • Les grenats préparés par le lapidaire ne sont pas suffisamment polis sur l’envers, et l’opacité dissimule à moitié le gaufrage du paillon.
  • Rentrer en force les grenats implique d’appliquer une pression réfléchie sur les plaques. Certaines, de grande taille, se sont cassées en deux éléments sous la force d’une pression centrale. Sur le gros plan de Saint-Dizier en début d’article, on peut observer que l’artisan a peut-être rencontré ce problème, à moins que la casse ne soit survenue au sertissage…