III. Taille des grenats

Tout d’abord, la provenance des pierres. Une analyse gemmologique menée sur plusieurs objets par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France a mis en évidence trois types de grenats: des almandins, des pyraldins et des pyropes. En croisant les études minéralogiques successives et les textes historiques comme l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien ou la Topologie Chrétienne de Constantin d’Antioche (auteur contemporain aux fermoirs), on peut déterminer que la provenance la plus probable est l’Inde/Ceylan.

Concernant la taille des pierres, on sait qu’il existe en Orient des tours à polir fonctionnant à l’arc. Ils ont des roues interchangeables en pierre plus ou moins granuleuses, et en cuivre. Enduites d’émeri fin et régulièrement humidifiées, ces roues permettent d’obtenir un polissage de qualité.


Amir Pahlavan, lapidaire en Inde dans les années 40 © Robert Skelton

Un ouvrage du XIIIe siècle, la Doctrina poliendi pretiosos lapides, fait référence à un tour à roue de cuivre pour couper les pierres. Cependant, on n’a trouvé aucune trace archéologique de l’usage de tels outils en Europe de l’ouest. Se pose alors la question: où et par qui ont été taillées ces pierres?
Hypothèse n°1: le bijou entier a été réalisé à l’Est.
Hypothèse n°2: les pierres ont été taillées en plaquettes à l’Est, et ont été rapportées aux ateliers pour être ajustées sur ouvrage.
Hypothèse n°3: les bruts de grenat rapportés de l’Est ont été débités et taillés aux ateliers.

Et on ne pourra certainement jamais savoir laquelle est la bonne.

Toujours dans la Doctrina poliendi pretiosos lapides, il est décrit le savoir-faire de l’époque. Cet ouvrage s’appuie sur des écrits antérieurs, le plus ancien cité étant de Pline l’Ancien.
Pour couper les pierres, on utilise une scie à lame de cuivre plane, qu’on enduit d’émeri. Pour les tailler et les polir, on les colle au bout d’un « baston » avec une colle composée de poix, de gomme, de mastic et de poudre de terre cuite. Puis on les frotte sur une plaque de plomb couverte d’eau et d’émeri. Le cuivre et le plomb étant des métaux mous, ils permettent à l’émeri de s’incruster à la surface. On récupère les boues résiduelles car elles contiennent de l’émeri de plus en fin, permettant un poli final très brillant.

Mon expérimentation

Avant Après

J’ai réalisé une infime partie des plaquettes nécessaires de cette façon, mais c’est une technique très longue et fastidieuse. Pour accélérer la cadence, j’ai fait appel aux services d’un lapidaire, qui a bouclé l’affaire en quelques heures.

J’ai donc récupéré une petite centaine de plaquettes de 1mm d’épaisseur, avec un polissage professionnel.

J’ai ensuite effectué un 1er ajustage des pierres au dessin, en me servant de fraises diamantées pour remplacer la scie de cuivre.

Un petit rond central, ainsi que les naseaux, sont en plaquette de verre de couleur verte. Et les yeux sont de minuscules cabochons de verre bleu. Pour ces derniers, j’ai utilisé un bris de verre soufflé, fourni par mon collègue verrier d’Artisans d’Histoire.